La Ciotat au début du Consulat

Ancien professeur de Lettres à la retraite, Roger Klotz a profité de son temps libre pour consulter régulièrement les riches archives communales de La Ciotat.
A partir des recherches menées avec l’aide des agents du service municipal des Archives, ce docteur en Lettres, spécialisé en littérature et histoire provençales a écrit plusieurs textes retraçant l’histoire de la ville. Il nous fait découvrir ici, grâce aux délibérations des conseils municipaux de l’époque, La Ciotat au début du Consulat.

la-ciotat-peu-avant-la-r%E9v.jpgEn 1800, le Premier Consul crée le corps préfectoral et instaure la tutelle administrative des communes. Que pouvons-nous savoir sur La Ciotat en ce tout début de XIXème siècle ? Le siècle débute à La Ciotat dans un climat de guerre. Le 18 messidor, An 8 (8 juillet 1800), Lazare Carnot, ministre de la Guerre, écrit au préfet et demande à la Nation un effort supplémentaire pour lutter contre une Angleterre inquiète de voir grandir, non loin de ses rives, la puissance de la jeune République(1). Bonaparte a hérité d'une guerre engagée en 1792, contre une Europe coalisée autour de l'Angleterre, qui n'accepte pas la réunion de la Belgique et de la France. Les hostilités se termineront avec la Paix d'Amiens en 1802. Par décret du 18 germinal, an VIII (9 avril 1800), le premier consul nomme Bernardin Ramel, maire de La Ciotat, Antonin Fontenelle Auger, premier adjoint et Besson second adjoint.  L'administration municipale reçoit l’instruction d'installer la nouvelle municipalité le 21 floréal, an VIII (11 mai 1800).
Né le 16 juillet 1752 à Aubagne, Bernardin Ramel est médecin. Après avoir exercé à Aubagne, cet officier de santé s'est fixé à La Ciotat. Dès l'an VI, il apparaît comme secrétaire du conseil municipal de La Ciotat. Cet ardent républicain, que Bonaparte venait de nommer préfet des Bouches-du-Rhône, était un ami de Charles Delacroix. Ramel semble ainsi se situer dans le sillage politique du 1er consul. Risquant de devenir aveugle, Ramel se retirera en l'an XII (1803). Le conseil municipal, également nommé par l'administration consulaire, comprend 30 membres. Cela signifie que la commune comprend plus de 5 000 habitants.
On trouve dans ce conseil surtout des propriétaires, quelques officiers de marine et des artisans (tailleur, tisseur, menuisier, boulanger), en plus de Bernardin Ramel, deux autres officiers de santé(2), un regretier(3). 58% des membres de ce conseil sont économiquement des bourgeois ; la moitié d'entre eux sont des propriétaires. En accédant au pouvoir, Bonaparte s'appuie sur une bourgeoisie qui a ainsi confisqué la Révolution à son profit.
La Ciotat connaît, depuis 7 ou 8 ans, une période de crise économique. La Ville, endettée, envisage de vendre l'ancienne maison commune et la forêt communale. Le conseil municipal signale «la détresse absolue»(4) de l'hospice civil. L'assemblée communale se propose alors de créer un octroi sur la viande fraîche ou salée, de 2 centimes et demi la livre. La Ciotat se dépeuple. Au début de la Révolution, la ville comptait 6 164 habitants; en l'an X (1802), elle n'en a plus que 5 400. Compte tenu de la diminution du blé, le prix de la livre de pain monte avec rapidité. Ainsi, le 7 prairial, an 8 (28 mai 1800), le conseil municipal en fixe le prix à 17 centimes et demi. Le 7 thermidor suivant, il passe à 4 sols, 1 liard, c'est-à-dire à 81 centimes.
Les conditions géographiques semblent augmenter la crise économique : le conseil municipal note que les oliviers sont placés dans les fentes des rochers; les pluies faisant partir la terre, l'olivier devient rabougri et périt par le froid ; le «terroir»(5), sec, aride, sablonneux, stérile et pierreux, ne produit qu'à force d'engrais et lorsqu'il pleut. En brumaire, an X (octobre 1801), un orage ravage plus de 200 propriétés, provoquant la perte de la récolte des olives. La fin de la Révolution et l'instauration du Consulat marquent, pour La Ciotat, le début d'une période de déclin économique.
ROGER KLOTZ

1 - Lettre reproduite dans le registre des délibérations du conseil municipal de La Ciotat (Archives municipales de La Ciotat).
2 - Les officiers de santé avaient des connaissances plus restreintes que les docteurs en médecine. Dans Madame Bovary de Flaubert, le mari de l'héroïne était officier de santé.
3 - Francisation d'un terme provençal signifiant revendeur.
4 - Registre des délibérations du conseil municipal de La Ciotat (Archives municipales de La Ciotat).
5 - Francisation du mot provençal «terraire», au sens de terrain.