Place aux rassemblements populaires

Connue de tous les Ciotadens, la place du 8 mai 1945 a connu par le passé de multiples usages.

p26.jpgDevant la chapelle des Pénitents bleus, sur un piédestal naturel face à la mer, se trouvait autrefois un simple terrain aménagé en restanques, en bas duquel circulaient ânes et charrettes tirées par les chevaux. La ville était alors ceinturée de fortifications, qui se terminaient à cet endroit par le fort Saint-Martin, dont les «anciens» se souviennent des derniers vestiges appelés «la caisse de mort», définitivement rasés dans les années 70 lors de la construction du port de plaisance. Ce fortin, utilisé un temps au moment de Pentecôte et le 15 août pour les «tirs au pistolet», servit par la suite d’entrepôt aux outils des cantonniers, mais également de dépotoir, comme le consigne malheureusement Stendhal dans son journal de voyage. «La caisse de mort», elle, était un des lieux favoris de nos anciens qui y trouvaient de belles pièces ! C’est juste au-dessus de ce terrain, précisément sur le parvis de la chapelle, planté de six superbes micocouliers, que le maire Besson et les notables de la ville prêtèrent le serment solennel de «fidélité à la nation, au roi et à la loi», qui inaugura les fêtes de la fédération dans notre ville, le 14 juillet 1790.

On dit qu’à la fin du XIXe siècle les Ciotadens aimaient se retrouver à cet endroit pour danser, ce qui a sans doute donné l’idée d’y aménager un théâtre composé de gradins. La municipalité créa d’abord une place en terre battue, inaugurée le 15 août 1853, dont les contours étaient délimités par des mâts reliés par des pavillons multicolores. Dès l’année suivante, des gradins de pierre furent bâtis, formant le bel amphithéâtre que nous connaissons. La journée, les ménagères l’utilisaient pour y faire sécher leur linge, les lavoirs étant tout proches, place Louis-Marin et rue du Rocher. Et les soirs d’été, toute occasion était prétexte à danser. A l’époque, les classes de la population ne se mélangeaient pas : les capitaines marins, les armateurs et les commerçants enrichis par le Second empire s’étaient réservé le côté gauche du bal. Les ouvriers dansaient quant à eux à droite. C’était l’époque du quadrille et les nouvelles danses comme la polka ou la valse étaient jugées un peu trop «osées» dans le rapprochement des corps ! L’emplacement de cette esplanade était idéal pour les manifestations rassemblant les foules, puisque c’est là aussi que se déroulèrent des meetings, notamment lors des mémorables grèves des chantiers navals de 1911.

p27.jpgPuis on décida d’embellir ce «Bal de la Tasse», en le cimentant et en l’agrandissant ; ce qui fut fait en 1922 par l’entrepreneur Bertrand du quartier de La Salis, sous la surveillance de Marius Garcin. La mairie fit l’acquisition d’un terrain juste en face, dans le but d’y aménager une scène d’environ 500 m², pour y placer l’orchestre du bal et les travaux s’achevèrent en août 1922 avec la pose de réverbères à gaz. Le «Bal de la Tasse» devint alors le «Théâtre de la mer» et des pièces à succès y furent jouées pendant quelques années.

Puis, en 1925, on préféra déplacer l’orchestre sur le côté (avenue Jules-Guesde), afin de ne pas cacher la vue sur la mer aux danseurs. Lieu de vie tout proche de la mer, la place accueillait également les forains qui occupaient les enfants avec leurs jeux, tandis que les mamans bavardaient sur les gradins à l’ombre des arbres. Quand le 8 mai devint jour férié en 1981, la municipalité Perrimond décida de rebaptiser le site en «Place du 8 mai 1945», ce qui n’empêcha pas les bals de continuer à s’y produire, tout comme les danses folkloriques, les feux de la Saint-Jean ou les petits théâtres de Guignol. Aujourd’hui encore, de nombreuses manifestations sont organisées sur place, dont les plus populaires sont les marchés de potiers ou de Noël. Située au coeur du triangle Théâtre du Golfe, chapelle des Pénitents bleus et Eden, cette esplanade avec ses gradins perpétue sa vocation de lieu de rencontre.

Remerciements au Musée Ciotaden et au service municipal des Archives