Le môle Bérouard, vestige de l'ancien fort

Le môle et son phare vert signalent aujourd'hui l'entrée de notre port. Mais pendant trois siècles, c'est un fort qui se dressait fièrement à cet endroit, visible encore sur des gravures anciennes.

24%2025%20mole%20B%203.jpgDu fort, il n'en garde que le nom, Bérouard, dérivé de balouard, signifiant plate-forme de terre occupée par un bastion. Le môle Bérouard - digue qui s'avance à l'entrée du port - fut construit de 1835 à 1840, en prolongement du terre-plein où trônait depuis plus de trois siècles le fort, impressionnant bâtiment de servitude militaire. Ce môle était nécessaire pour protéger la cale de halage du nouveau chantier de construction navale Louis-Benet, et permettait aussi de supprimer, en les englobant, les écueils qui ont brisé plus d'un bateau entrant dans la passe. Pour le bâtir, on récupéra les pierres du creusement du jardin des Capucins (le square Mouton), et au bout, on érigea un phare à feu alternatif blanc qui fut endommagé pendant la guerre.

vieux-grem.jpgDepuis 1960, c'est un feu vert qui est émis par le phare ; il sera déplacé de 11 mètres vers le nord en 1972. Le môle servit de point de déchargement pour les roches et la terre destinées à l'agrandissement des chantiers navals, de 1975 à 1977. Puis en 1978, un parking et des espaces verts y furent aménagés et dix ans plus tard, l’Office municipal de Tourisme prit place à cette entrée portuaire de la ville. Derrière le mur du môle, les boulistes trouvent toujours l'abri qui leur revient, et depuis peu, devant le phare, l’ancien canot de la Société nationale de sauvetage en mer - le Bec de l’Aigle I - trône, face au large, symbole de la solidarité en mer.

Forteresse défensive et prison
24%2025%20repro%202.jpgSuite aux fortifications de la cité décidées par Henri II au XVIe siècle, de nouvelles lettres patentes autorisèrent en 1551 la construction d'un fort sur le «baloard». Pour le payer, un impôt - le vingtain - fut levé sur «les fruits de terre, à savoir blé, orge, avoine, huile, vin, safran et figues et tout gain et profit de mer». Il fallut, toutefois, près de trente ans pour le construire. En 1564, le roi Charles IX fit don de plusieurs pièces d'artillerie, et on dit également qu'au XVIIIe siècle, un gouverneur y sonnait tous les soirs la retraite bien qu'il n'y ait pas de troupes ! Sur une ancienne aquarelle qui se trouve au musée ciotaden, on aperçoit les embrasures qui logeaient les onze canons dressés face au large, et la tour surmontée d'une lanterne qui servait de vigie et recueillait les droits de fanalage - redevance due par tous les bateaux mouillant dans la rade. Sous la muraille, une prison gardait les criminels de toute espèce, une seconde était réservée pour les crimes civils. Après la révolution, le fort Bérouard reçut des centaines de prisonniers politiques.
Mais les conditions étaient insalubres et l'humidité propagea maladies et fièvres. En 1851, quand la prison de la tour du Dintre fut détruite pour agrandir le quai, le maire Louis Cottard négocia une autorisation auprès du Génie militaire, et la forteresse du Bérouard devint, en 1854, prison municipale.

Le déclassement du fort fut voté en 1889, comme celui de nombreux autres ouvrages militaires, et sa destruction dura de 1892 à 1895. Il fallait céder la place à l'essor des chantiers navals, en y bâtissant une gare au terminus de la ligne du chemin de fer des Batignolles et des entrepôts.

«… et à l'autre bout de ce môle, du côté de la terre, il y a aussi un fort de 6 pièces de canon, qui défend le passage qui est entre la terre et une isle qui en est éloignée d'un mille.»
J.A. Piganiol de la Force «Nouvelle description historique et géographique de la France» - 1735