Les puits, réserves d'or liquide

puits-2p25.jpgOr liquide de Provence, trésor précieux, l’eau a souvent été l’objet de convoitises au coeur de bien d’intrigues pagnolesques. Qu’en était-il sur le sol ciotaden avant l’arrivée de l’eau du canal de Provence ?

De tout temps les hommes se sont évertués à récupérer l’eau à La Ciotat, issue des nappes au fond des abris troglodytiques il y a plus de deux mille ans, en provenance des rares sources, comme celle dite «Fontaine de la ville», située dans le massif sous la Vigie, ou la légendaire «Aiguade du Pré», mieux implantée, sur le rivage. Offrant un abri derrière le Bec de l’aigle, cette dernière a désaltéré bien des marins de passage et contribué à l’essor de notre cité.
Pour pouvoir capter cette eau suite au développement de La Ciotat, l’on fit creuser des puits publics : nos anciens continuent encore aujourd’hui à appeler la rue Maréchal-Joffre rue du Grand-Puits, la rue Maréchal-Foch rue du Petit-Puits, ou encore l’Escalet le Puits-d’Outre. Dans les campagnes, se trouvaient le Puits de l’Ange, de l’Abeille, de Brunet, du Vallat-de-Roubaud, de Terre-Rousse, de Sainte-Marguerite, et bien d’autres.

L’historien Etienne Masse évalua à 400 le nombre de puits sur le territoire ciotaden. Peut-être incluait-il dans ce nombre les citernes dont les habitants durent s’équiper ; alimentées par les eaux de pluie, elles servaient surtout aux besoins ménagers. Une précieuse étude menée par Gilbert Deroze en 1939 en répertorie tous les emplacements. Plusieurs péripéties ont marqué l’arrivée de l’eau à La Ciotat. Ainsi, après plusieurs tentatives vaines, on installa en 1782 une fontaine à pompe dans les eaux mêmes du port «à un endroit où l’eau douce venait sourdre et bouillonner». Par ailleurs, l’idée non réalisée de faire un barrage au pied de la Baume de Fardeloup témoigne de l’abondance des eaux ruisselantes de ces rochers en temps de pluie. Enfin en 1836, on décida d’utiliser des tuyaux en céramique pour relier l’eau du réservoir couvert de la source du Pré à des fontaines installées près de la porte du Dintre (la fontaine des Platanes), à l’Escalet, à proximité du fort Bérouard et face à la rue Gabriel-Long (rue Diffonty). Ces fontaines et puits publics, complétés par les citernes et puits privés, le tout soumis aux caprices des précipitations, assuraient l’approvisionnement en eau de la ville. Cela suffisait pour une population de cinq mille habitants, mais celle-ci doubla rapidement, et les sécheresses de 1839 et 1875 déclenchèrent de vives protestations…

puits-1p25.jpgChaque habitant disposait à l’époque de moins de 8 litres d’eau par jour. Plusieurs pistes furent alors explorées, comme le projet de construction d’une galerie pour récupérer les eaux du Pré, ainsi que celle de la source de Bataras au Mugel qui, trop proche des abattoirs, était saumâtre ! Néanmoins, les Messageries maritimes y puisèrent quotidiennement jusqu’à 90 m3. Un grand réservoir de distribution de 10 000 m3, baptisé «Le bassin de la Bourgade», fut bâti au Jardin de la ville, ainsi que 3 lavoirs et 3 abreuvoirs, 22 bornes fontaines installées un peu partout dans la ville. Mais tout cela ne fournissait pas suffisamment d’eau, qui se vendait un sou la cruche en temps de crise ! Plusieurs maires et élus du canton durent intervenir et négocier avec la mairie de Marseille – qui en bénéficiait depuis 1852 – pour qu’enfin l’eau de la Durance coule dans les chaumières ciotadennes.
Cette arrivée de l’eau du canal de Provence fut inaugurée le 15 juillet 1883, lors d’une grande fête avec des jets d’eau jaillissant au rond-point du Baromètre et à la cascade sous l’église Notre-Dame. La presse titra l’événement : Enfin une eau qui n’est pas celle du Pré !

Reportage réalisé avec le précieux concours du Musée Ciotaden et des Archives communales